L’odeur du cancer
La viande et la chair sont les matières avec lesquelles je travaille, celles que j’expérimente le plus. Je m’intéresse aux formes organiques, aux viscères, aux entrailles, à leurs odeurs, à la fascination et à la répulsion qu’ils exercent sur l’humain. Ce rapport au « viscéral » et à l’esthétique qui y est associée se trouvent au coeur de mes recherches plastiques qui puisent également leurs sources dans le cinéma, celui de David Cronenberg en particulier.
Dans le cadre du programme de recherche, deux pistes se sont dégagées. Tout d’abord la volonté d’explorer un outil d’observation, le microscope, détourné ici sous la forme d’un « odeuroscope », soit un outil « d’amplification olfactive » réalisé à l’aide d’une imprimante 3D. Pour dessiner l’objet, je me suis inspiré d’une image réalisée en 1935 intitulée Dispositif de repérage aérien, issue du fonds historique de la photothèque du CNRS, montrant un appareil imaginé par des scientifiques pendant la seconde guerre mondiale. Semblable à une longue jumelle, cet appareil prolonge l’écoute de manière à détecter la présence des avions. Le design organique de cet objet et le fait qu’il ressemble à une prothèse ont retenu mon attention.
Par la suite, lors d’échanges sur les cellules cancéreuses du pancréas avec Corentin Spriet, il m’est apparu évident de travailler sur l’odeur répulsive que ces cellules peuvent diffuser. Les cellules que nous avons prélevées ont en effet des odeurs de décomposition, de chair morte. Ainsi, la pièce que j’ai conçue implique pour le spectateur de se confronter, par l’intermédiaire de l’odeuroscope, au sentiment répulsif que l’on peut éprouver, seul, face à des tissus cancéreux. Le rapport dérangeant et direct au cancer du pancréas est amplifié par le design de l’outil, qui fait de lui un prolongement de notre propre organisme.
Atelier Numérique Transversal
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